X
  1. Espace abonnés
Propos Utiles

Conseils boursiers depuis 1952

" Il m'importe peu que tu adoptes mes idées ou que tu les rejettes pourvu qu'elles emploient toute ton attention." Diderot

Nous contacter
01 45 23 10 57
sans surtaxe

À la une

Taux négatifs : rendez-vous en terre inconnue (rédigé le 20/03/2016)

Les Etats empruntent de plus en plus à taux négatifs et ce pour des échéances qui s’allongent. Dans les faits, les acheteurs de ces obligations souveraines ne touchent pas d’intérêts mais voient leurs avoirs amputés. Comme nous l’évoquions récemment dans ces colonnes, la dette à taux négatifs représente 5 500 Mds $ à travers le monde dont 1 700 Mds $ pour la seule zone euro. La France emprunte ainsi à taux négatifs jusqu’à 7 ans, l’Allemagne jusqu’à 8 ans et la Suisse au-delà de 10 ans. Comment en sommes-nous arrivés à cette situation pour le moins contre-intuitive ? Et surtout quelles en sont les conséquences ?


Plusieurs raisons à considérer

Il existe un phénomène bien connu qui se nomme la « course vers la sécurité ». Pour faire simple, il est question ici de voir les marchés comme deux compartiments au sein desquels les investisseurs placent leurs liquidités. D’un côté se trouve les actions, de l’autre les obligations d’Etat. Lorsque les marchés actions traversent une période difficile, les obligations d’Etat se trouvent alors privilégiées car elles sont considérées comme sûres. Lorsque les clignotants sont au vert sur les marchés d’actions pour une espérance de gain plus conséquente, les obligations d’Etat sont plus volontiers boudées.


A l’heure actuelle, les investisseurs recherchent de la sécurité, pour les raisons que nous évoquons chaque semaine ici, et plébiscitent donc les emprunts publics. Le prix de ces derniers est ainsi en hausse, ce qui entraîne une détente des rendements sans que le zéro ne constitue désormais une quelconque limite. Dans le même temps, plusieurs banques centrales dont la BCE ont abaissé leur taux de dépôt sous ce seuil. Celui-ci est appliqué aux liquidités non-obligataires déposées chez elles par les banques commerciales. Le marché secondaire (lieu d’échange des obligations une fois qu’elles ont été émises) de la dette souveraine s’est conformé à cette nouvelle réalité : le taux de dépôt est ainsi devenu la nouvelle référence en lieu et place du taux de refinancement. Et les taux négatifs se multiplient.


Pour quels objectifs ?

Le premier objectif est, nous dit-on, d’inciter les banques commerciales  à prêter de l’argent (et à relancer l’économie imparfaitement dite« réelle ») et donc à les conduire à ne pas considérer leur banque centrale respective comme un coffre fort. En effet, conserver des liquidités leur coûte. Celles-ci doivent donc prêter et prêter encore... Le second objectif suivi par les banques centrales vise à desserrer les contraintes qui pèsent sur les Etats dont l’inertie reste particulièrement grande dès lors qu’il s’agit de moins dépenser. Ceux-ci empruntent à des taux toujours plus bas, le temps qu’ils mettent en œuvre les réformes de structure à même de créer une saine reprise de l’activité.


Des conséquences nombreuses mais encore inconnues

La situation n’est pas commune et ses conséquences restent à écrire. Mais il s’agit à n’en pas douter d’une perturbation profonde de la finance mondiale. En premier lieu, l’argent gratuit (nous supprimons les guillemets à dessein) entraîne une mauvaise allocation des investissements, ce qui conduit à la création de bulles dites « spéculatives ».Par ailleurs, l’accumulation du capital est mise entre parenthèses par les politiques suivies : c’est le capitalisme qui est touché dans son essence même et le manque d’investissement productif va se faire très vite ressentir (si ce n’est déjà fait...). L’épargne n’est pas rémunérée (calculez le manque à gagner sur les dernières années pour un placement  de vos liquidités au taux « historique » de 4 % sans risque...), ce qui réduit le revenu disponible des épargnants. D’autant que ces derniers risquent d’être mis à contribution par leurs établissements bancaires qui supportent des coûts de dépôts négatifs. Certains pays comme la Suisse commencent à emprunter cette voie. Les conséquences sont également importantes pour ce qui est de la rentabilité des établissements bancaires, plus que jamais sous pression. Par ailleurs, le temps donné aux Etats pour se réformer ne semble pas avoir été mis à profit. En cas de remontée des taux (ce qui arrivera immanquablement), comment ceux-ci parviendront-ils à financer leurs dépenses courantes qui ont continué de croître ? Les organismes de retraites sont également en péril alors que leurs encours ne sont plus rémunérés. Pour de nombreux pays comme le nôtre, c’est là un sujet crucial. Toutes ces questions se posent mais leur apporter des réponses n’est pas chose aisée à l’heure actuelle.


Les spécialistes nous excuseront pour les raccourcis que nous avons dû emprunter pour être compris par le plus grand nombre au début de ce texte. En conclusion, les mesures prises par les banques centrales n’ont pas eu les effets escomptés sur l’économie car il manque toujours l’essentiel : quel est le besoin d’emprunter ? Pour développer ce dernier, nulle nécessité de taux durablement bas ou même négatifs. Les acteurs économiques doivent retrouver confiance et ce sont des réformes qui s’imposent au niveau des états.Les mesures homéopathiques ne suffiront pas à nous faire sortir de cette crise. D’autant que « l’aide » des banques centrales ne durera pas. 


Pour vous abonner à notre lettre hebdomadaire (12 pages d'analyses et de conseils / 48 numéros par an) et lire notre Stratégie 2016, cliquez ici.

 

Copyright (c) Propos Utiles www.proposutiles.fr