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Trump : quel programme économique ? (rédigé le 15/11/2016)
Donald Trump a été élu 45ème Président des Etats-Unis, ce qui a constitué une énorme surprise pour la très grande majorité des observateurs. Contre toute attente là encore, les marchés ont salué la nouvelle. Comment un programme portant sur des allégements d’impôts sans précédent et un nombre incalculable de mesures floues souvent vues comme récessives peut-il satisfaire Wall Street, alors que la victoire du candidat républicain est par ailleurs perçue comme celle de « Main Street » (classe populaire, petits commerçants) ? Revenons sur les principaux engagements du magnat de l’immobilier pour tenter de mieux comprendre.
Un programme économique en trois points
Ne nous leurrons pas, ce sont avant tout les baisses d’impôts promises par Donald Trump qui ont été saluées par la Bourse américaine. à court terme, et si les promesses du candidat sont tenues, il s’agira en effet là d’un choc positif jamais vu. Celles-ci portent en premier lieu sur les ménages : moindre progressivité de l’Impôt sur le revenu, limitation du taux marginal d’imposition sur les hauts revenus, allégement des droits de succession, suppression de la taxe foncière et de celles destinées à financer l’Obamacare (assurance santé, non-obligatoire, au niveau fédéral). Pour ce qui est des entreprises, c’est le taux de l’Impôt sur les sociétés qui devrait être fortement abaissé pour passer de 35 % à 15 %. Parallèlement, Donald Trump a également promis de réduire à 10 % la taxe sur les profits logés à l’étranger par les entreprises américaines (2 100 Mds $ selon un pointage récent) au lieu de 35 % actuellement. Ces mesures devraient donc, dans un premier temps, soutenir la consommation et l’économie.
Mais les recettes publiques vont se trouver durement écornées car conjointement, Donald Trump a pour ambition d’augmenter les dépenses de manière significative : le chiffrage actuel fait état de 100 Mds $ de dépenses nouvelles chaque année : il s’agit là de la construction et/ou de la réfection d’infrastructures de transport (routes, ponts, voies ferroviaires) mais aussi d’hôpitaux et d’écoles. Le secteur de la défense ne sera pas non plus oublié, et ce en dépit du caractère « isolationniste » de la politique étrangère défendue par le nouveau Président.
En termes de politique commerciale enfin, ce dernier entend modifier un certain nombre d’accord existants comme l’Alena (qui institue une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) et remettre en cause ceux qui font l’objet de discussions (Tafta). La démarche se veut ici protectionniste, dans le but de protéger l’emploi des Américains face aux délocalisations et à la désindustrialisation supposée des Etats-Unis, mais pas seulement : Donald Trump s’oppose également à l’accord de Paris sur le climat qu’il juge défavorable aux entreprises américaines.
Si les deux premiers éléments de son programme pourraient constituer, à court terme, un stimulus positif pour l’économie américaine, les restrictions apportées au libre-échange pèseront négativement sur l’activité, mais cette fois à moyen terme.
Frapper vite, mais sans doute pas si fort
Le nouveau Président, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, entend aller vite et fort. Mais à en juger par ses dernières déclarations, il y a de fortes chances qu’un certain nombre de ses positions, extrêmement tranchées jusque-là, soient rapidement amendées. Les baisses d’impôts et les investissements publics pourraient ainsi être moins ambitieux. En premier lieu car l’application stricto sensu du programme de Donald Trump conduirait à un creusement conjoint du déficit et de la dette publics, déjà hors de contrôle, ainsi qu’à un regain d’inflation (entre autres via les importations surtaxées compte tenu des mesures protectionnistes supposées être mises en œuvre). S’en suivraient (et nous le constatons déjà) des tensions sur la rémunération offerte par les emprunts d’Etat, ce qui contraindra la Réserve fédérale à remonter bien plus rapidement que prévu le loyer de l’argent. Avec le risque de provoquer un éclatement de la bulle obligataire.
Sur ce dernier point, le candidat Trump a d’ailleurs déclaré ne pas être satisfait de la politique actuellement suivie par la Fed. Janet Yellen, la présidente de l’institution, ne devrait donc pas être reconduite à son poste à la fin de son mandat prévu dans 15 mois. Les marchés d’actions pourraient ainsi avoir à composer avec une banque centrale bientôt dominée par les « faucons » (partisans d’une politique monétaire plus restrictive). On soulignera enfin que les ambitions « protectionnistes » du nouveau Président, dont le caractère récessif n’est plus à démontrer, ne trouveront guère de soutien au Congrès où la ligne partisane du libre-échange est largement majoritaire. Sans compter les difficultés techniques de telles renégociations et les menaces que ne manqueront pas d’agiter en réaction les pays partenaires des Etats-Unis.
Donald Trump va-t-il s’assagir et considérer la réalité telle qu’elle est ? Ses premières déclarations le laissent entendre, mais il devra malgré tout donner un certain nombre de gages à son électorat. A notre sens, et dans une démarche que nous voulons optimiste, seuls quelques aspects de son programme économique peuvent être mis en œuvre car celui-ci est en l’état irréalisable, sauf à provoquer de nouveaux et profonds déséquilibres. Pour l’heure, la hausse du dollar, la remontée attendue de l’inflation, les tensions sur les rendements obligataires, le creusement prévisible des déficits et les freins au libre-échange semblent occultés par les marchés qui continuent, comme à leur habitude, de ne considérer que les aspects supposés positifs du programme de Donald Trump. A ne s’intéresser qu’aux baisses d’impôts, les investisseurs veulent voir en Trump un Reagan du XXIème siècle (ils se rappelleront que les indices avaient plus que doublé à l’issue des deux mandats de ce dernier). Mais cette comparaison a des limites évidentes. Une autre hypothèse se doit malgré tout d’être avancée : Wall Street ne croît pas que Donald Trump appliquera son programme et table sur une sorte de statu quo général dans lequel le Congrès américain limitera le champ d’action du Président. Quoi qu’il en soit, la prudence s’impose. Après avoir salué l’élection de Trump, les marchés pourraient se montrer plus septiques.
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