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Le bilan du dernier sommet européen (rédigé le 01/02/2012)
Les chefs d’Etat européens se sont donc réunis au cours d’un sommet visant à ouvrir une nouvelle ère de discipline budgétaire sur le Vieux Continent. Rien de très neuf, nous direz-vous. Les sommets de la sorte se succèdent depuis des mois, voire des années. Certes. L’issue du sommet recèle pourtant une nouveauté : les investisseurs n’ont pas été tentés de vendre massivement les marchés d’actions européens. Voilà qui change ! Est-ce lié au contenu du Pacte de discipline budgétaire signé par vingt-cinq états sur vingt-sept ? Ou faut-il y voir une certaine prise de hauteur de la part des investisseurs par rapport aux gesticulations du monde politique ? Nous penchons pour la deuxième réponse...
La règle d’or entérinée
Le « traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire » – tout un programme ! – a donc été signé par l’ensemble des membres, à l’exception du Royaume-Uni et de la République Tchèque. La défection du premier était annoncée, celle du second a en revanche surpris les négociateurs à la dernière minute. Les craintes portaient plutôt sur la Pologne. Celle-ci a obtenu en partie gain de cause en étant conviée au moins une fois par an aux futurs sommets. La République tchèque n’a en revanche pas cherché à négocier : ce sera non pour des raisons constitutionnelles. Quoi qu’il en soit, ce pacte valide l’introduction de « règles d’or » sur l’équilibre budgétaire. Les politiques étant incapables de se discipliner seuls dans l’intérêt de leurs concitoyens, ils vont tenter de se contraindre mécaniquement et mutuellement en inscrivant une règle dans la constitution ou la loi de leur pays. Le pacte prévoit ainsi que les pays y souscrivant s’engagent à avoir des budgets équilibrés ou excédentaires sur un cycle économique, soit un déficit structurel (un qualificatif spécieux qui est censé définir la partie du déficit qui n’est pas lié à la conjoncture...) ne dépassant pas 0,5 % du Produit intérieur brut (PIB). Un mécanisme de correction se déclenchera automatiquement en cas de dérapage par rapport à cet objectif... sauf en cas de «circonstances exceptionnelles». Les Européens se sont en effet réservés une porte de sortie en cas «d’événement inhabituel hors du contrôle de la partie contractante et ayant un impact majeur sur la position financière du gouvernement général ou en période de ralentissement économique important comme défini dans le Pacte de Croissance et de Stabilité rénové [...]». Bref, bien que la Cour de justice européenne soit appelée à vérifier la mise en place de la règle d’or budgétaire et puisse être saisie par un ou plusieurs états en vue d’infliger des amendes allant jusqu’à 0,1 % du PIB du pays fautif, il y a peu de chances qu’un pays soit condamné. Il faudrait pour cela faire le tri entre le structurel et le conjoncturel, ce qui est absurde au regard de notre passé récent.
Le dossier grec finira mal
Parallèlement à ce sommet, les discussions ont continué sur le sort qui sera réservé à la dette grecque. Les banques, qui ont emprunté à des taux bas auprès de la Banque centrale européenne puis prêté à des taux élevés à la Grèce en toute connaissance de cause, refusent aujourd’hui de subir une décote supérieure à 55% de la valeur nominale de la dette grecque qu’elles détiennent. Ce qui retarde le déblocage d’un second plan de financement de 130 Mds € pour Athènes. De leurs côtés, les Grecs, soutenus par la France, se sont insurgés contre l’idée allemande d’une mise sous tutelle de leur pays. Anna Diamantopoulou, ancienne commissaire européen et membre du parti socialiste, a ainsi déclaré : «c’est le produit d’une imagination malade». Et la situation actuelle de la Grèce ? N’est-ce pas le produit d’une classe politique malade ? Si la Grèce veut rester dans l’euro et bénéficier de l’aide européenne, elle doit réaliser des réformes structurelles et réduire les dépenses. Pourtant, la dérégulation des professions protégées n’a même pas été lancée, le nombre de fonctionnaires n’a pas été réduit et le salaire minimum n’a pas été diminué. Au final, le déficit budgétaire atteint toujours 10 % et la dette représente 160 % du PIB. La conclusion est simple : la décote sera tôt ou tard de 80 % à 90 %. Pour les banques mais aussi pour les Etats qui sont venus en aide à Athènes.
Les investisseurs ont franchi un cap et relativisent l’impact de ces sommets. La rigueur budgétaire se fera nécessairement... Quant à la Grèce, sa faillite nous semble toujours inévitable.
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